Qui nous a légué le surprenant Château des Ducs de Bretagne ?
Joyaux du pays Nantais, cet impressionnant complexe architectural qui abritât autrefois les ducs de Bretagne, puis, plus tard, qui devint logis des Rois de France, trône en plein cœur de la ville, à quelques encablures du cours de la Loire, en contrebas de la cathédrale Saint-Pierre.
Comme on nous le rappelle souvent, c’est le dernier château des bords de Loire avant l’océan, et il doit beaucoup aux travaux ordonnés par Anne de Bretagne, et son père avant elle. Mais qu’en est-il réellement de l’histoire de cette imposante résidence ducale bretonne ?
Les premiers Châteaux de la Bretagne indépendante
Premièrement, comme pour la plupart des édifices à usage politique, religieux ou militaire de prestige, le site sur lequel le Château des Ducs de Bretagne est construit n’a pas été choisi au hasard. En effet, déjà au début de notre ère, des fortifications romaines existent à cet endroit, à la confluence de l’Erdre et de la Loire.
Après s’être emparé de la ville, le Duc Conan 1er le Tort en 990 fait bâtir une résidence comtale fortifiée sur ces murailles romaines. Ce premier château, construit en bois d’après certains écrits, porte alors le nom de « Château de Bouffay ». Cet édifice, qui aurait-été un quadrilatère dont chaque sommet était une tour à vocation défensive, laissa plus tard son nom au charmant quartier de Bouffay que connaissent aujourd’hui les nantais. Cette construction aurait donc servie de résidence aux différents leaders politiques et militaires bretons jusqu’à l’établissement du premier Château des Ducs de Bretagne à proprement dit.
Au début du XIIème siècle, le décès de la duchesse Constance de Bretagne en 1207 laisse à son mari veuf, Guy de Thouars, la responsabilité de la régence du Duché de Bretagne. Il ordonne des travaux de construction d’un nouveau château qui remplacera le Château de Bouffay, donc toujours appuyé sur l’enceinte défensive gallo-romaine. Une imposante tour en schiste d’une vingtaine de mètres d’envergure est érigée au pied du mur d’enceinte. C’est le premier « véritable » Château des Ducs de Nantes, il est appelé aussi « Château de la Tour Neuve ». Les historiens nous apprennent que cette construction, plus qu’une nécessité de résidence pour les ducs, est en fait un symbole de la puissance ducale que le Bretagne essaye alors d’imposer aux évêques locaux.
Le tribunal de Nantes est d’ailleurs le siège d’un procès mémorable pour l’époque. En 1212, l’évêque attaque en justice le Duc régent de Bretagne pour avoir ordonnée la construction du château de Nantes en partie sur le domaine de l’église.
A la mort de Guy de Thouars, sa fille, la duchesse Alix de Thouars, se marie à Pierre Mauclerc qui poursuit les travaux, tout comme son fils Jean 1er de Bretagne qui lui succédât. Ainsi l’enceinte de la résidence ducale fortifiée s’étend rapidement avec les années ; et le château prend très vite une place de premier ordre dans la défense du duché ainsi que de la ville de Nantes elle-même, et est idéalement placé pour contrôler de près le trafic fluvial et le commerce qui en découle, qui joue évidemment un rôle primordial dans l’enrichissement du pays Nantais.
Par la suite, Jean IV de Bretagne poursuit le développement de l’ancien Château de la Tour Neuve en y ajoutant de nombreuses tours de granit à vocation militaire. Parmi ces tours, les visiteurs peuvent encore aujourd’hui admirer l’unique vestige de cette époque qu’est la tour du « Vieux Donjon ». Le nouveau complexe architectural porte le nom de « Château des Monfort » en rapport avec la dynastie dirigeante de la Bretagne indépendante, les Montfort, dont est issu Jean IV dit « le Conquéreur ».
Jean IV est un des symboles les plus importants de la Bretagne autonome, notamment vainqueur de la guerre de succession de Bretagne (qui fait partie de la guerre de Cent Ans) et allié régulier de la couronne anglaise. C’est sous son autorité que le Roi Charles V de France parvient à s’emparer succinctement du duché breton afin de le rallier à la couronne. Mais la fière Bretagne regagne rapidement son indépendance.
Au XVème siècle, François II de Bretagne, toujours un Monfort, petit-fils de Jean IV, entreprend de gargantuesques travaux de reconstruction de ce château symbole de la puissance grandissante qu’oppose le duché Nantais à la royauté de France. En conséquence, les capacités militaires du château sont décuplées pour résister aux assauts non seulement des fantassins, mais aussi des nouvelles armes de sièges qui se développent de plus en plus rapidement. L’aspect résidentiel et esthétique semble également jouer un rôle considérable dans les plans de rénovation du Duc François II de Bretagne, et c’est à cette période de son histoire que le château prend une image de fastueuse résidence ducale, à la mesure de la puissance de ses occupants.
Le côté résidentiel se détache des constructions défensives par son architecture plus raffinée et ses façades embellies. Principalement réalisé en tufeau blanc, les nouveaux bâtiments résidentiels comptent notamment « le Grand Gouvernement », « la Tour de la Couronne d’Or » ou encore « le Grand Logis ». Côté ville de Nantes, la vocation défensive et militaire du Château des Ducs de Bretagne est marquée par la construction de sept tours de schiste et de granit, reliées par 500 mètres de courtines sur une épaisse et imposante muraille.
A la mort de François II de Bretagne en 1488, sa fille, la célèbre Anne de Bretagne lui succède et poursuit bien évidemment les travaux entrepris par son père. Le Château devient plus beau et impressionnant avec les années. C’est d’ailleurs sous le règne d’Anne de Bretagne que le Duché Breton sera rallié à la France.
La Bretagne ralliée à la France
La Duchesse Anne de Bretagne honore son père tant par le charme et le faste qu’elle a su donner à la partie résidentielle du Château des Ducs de Bretagne, mais elle n’en a pas pour autant négligé l’aspect militaire et défensif du duché. Ainsi, elle ajoute aux édifices défensifs l’impressionnante Tour du Fer à Cheval, un imposant bastion d’artillerie qui reflète la puissance militaire Nantaise de cette époque.
En 1491, le premier rapprochement officiel entre les dirigeants Nantais et le royaume Français est matérialisé par le mariage du Roi de France Charles VIII avec la Duchesse Anne de Bretagne, qui devient alors reine de France et véritable symbole de l’histoire du pays Nantais, comme l’indique le culte voué à la somptueuse pièce de joaillerie qu’est le « Cœur d’Anne de Bretagne », toujours visible à la cathédrale Saint-Pierre de Nantes où il repose aujourd’hui.
A l’accession au trône de France de Louis XII, successeur de Charles VIII, le nouveau Roi prend une nouvelle fois pour femme la Duchesse Anne de Bretagne, qui conserve ainsi le titre de Reine de France jusqu’en 1514. A cette date, sa fille la Duchesse Claude, épouse de François 1er, prend sa succession à la tête du Château des Ducs de Bretagne.
Afin de loger régulièrement la famille royale française, le château se distingue alors par la construction du nouvel édifice de style Renaissance, le « Logis du Roy ».
En 1532, le ralliement de la Bretagne au royaume de France est conclu. A cette occasion, le récemment érigé « Logis du Roy » devient officiellement propriété royale et on le rebaptise à ce moment « le Petit Gouvernement », comme il est encore d’usage actuellement.
Par la suite, la Château des Ducs de Nantes poursuit son développement, surtout militaire, sous l’influence des divers usufruitiers du duché et on note en particulier une succession de bastions et de terrasses d’artilleries jusqu’au XVIIème siècle, sous l’influence des ducs Claude de France, François III, François Ier de France ou encore le Cardinal de Richelieu.
Après une histoire fastueuse, qui verra séjourner le roi Henri IV de France en 1598 à l’occasion du célèbre Edit de Nantes, le Château breton perd quelque peu de son prestige et devient tours à tours une caserne, une prison ou encore un arsenal. Il connaît également des dégâts importants, comme à l’occasion de l’incendie du Grand Gouvernement en 1670 ou l’explosion de la Tour des Espagnols en 1800. Il est évidemment reconstruit et remodelé ponctuellement selon les styles en vigueur aux périodes concernées.
Le Château des Ducs de Bretagne aujourd’hui
Le Château des Ducs de Bretagne est classé, à juste titre, monument historique national en 1840, puis revendu à la ville de Nantes par l’Etat français en 1915. Il devient alors le siège de différents musées.
Le premier, consacré aux arts décoratifs est établi en 1924. Après la réquisition du Château en 1943 par les troupes allemandes (qui y construise un bunker), le musée est agrandi suite à la libération de la France par de nombreuses nouvelles salles dans lesquelles l’on peut découvrir, entre autres, les collections du musée d’art populaire régional.
De nombreux travaux de reconstruction et de rénovation ont concernés le Château des Ducs de Bretagne récemment, le plus notable étant sans conteste le chantier entrepris en 1990 qui dura quand même 17 ans ! A sa réouverture en 2007, le public découvre un symbole de la Bretagne remodelé et embelli, faisant la fierté de toute l’agglomération Nantaise. L’architecture et les décorations sont mises en valeur, les musées et expositions, parfois gratuits, se succèdent sans relâche pour attirer les amoureux d’histoire et de monuments, avec des aménagements et des efforts considérables pour faciliter et adapter les accès et les visites à tout le monde sans exception.